Obligation de circuler dans le métro de Montréal pour les personnes sans-abri
- Blandine Chabot
- 25 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 mars

Un gros problème – l’itinérance – a engendré un autre problème : insécurité et insalubrité dans le métro. D’un côté, des gens profondément démunis et à risque de mourir de froid, ou de se faire amputer suite à des engelures, et de l’autre, des gens exaspérés et inquiets - les usagers et employés du métro -, avec raison.
« Le métro n’est pas un refuge », voilà ce qu’on lit et entend partout pour justifier la nouvelle mesure prise par la Ville de Montréal, afin que la sécurité retrouve sa place dans le réseau de transport souterrain, que ça ne sente plus l’urine, que des seringues et déchets cessent de joncher le sol, et surtout, qu’on ne voie plus d’êtres humains couchés par terre, sur les bancs ou dans les escaliers.
Le métro n’est pas un refuge, donc. Je suis absolument d’accord avec l’affirmation, mais je dénonce l’argument, qui sert à justifier cette nouvelle règle.
Car s’il n’y en a pas assez pour toute la communauté itinérante, de refuges ?
Et de logements ?
Et de structures adaptées ?
Et de gens qualifiés pour s’occuper de personnes tombées dans la toxicomanie, ou souffrant de maladie mentale, ou traversant une période extrêmement difficile ?
Qu’est-ce qu’on fait ?

J’ai beau réfléchir à cette nouvelle mesure mise en place il y a quelques jours, et tenter de lui donner du sens : je n’y arrive pas. Car pour moi c’est un non-sens. Surtout au Québec, en hiver. Surtout dans une société civilisée.
Un espace souterrain et chauffé présente l'IMMENSE et INESPÉRÉ avantage d'offrir un endroit chaud à des êtres humains qui n’ont nulle part où aller. Certes, cet endroit est initialement destiné à transporter des gens d’un endroit à l’autre, de façon rapide et efficace, mais il se trouve qu’il peut aussi répondre au besoin tout de même important d’autres humains : ne pas crever de froid. Mais, malgré cela, on préfère conserver uniquement la fonction première du métro, sous prétexte que des personnes n'ayant ni repères, ni nourriture, ni soutien, ni logement ne savent pas se gérer et bien se tenir dans ce lieu hautement fréquenté.
Secourir des personnes en danger, sauver des vies, devrait toujours avoir priorité sur tout le reste.
Soit on tolère les personnes sans-abri dans le métro et on trouve un moyen de les encadrer, en espérant qu’à long terme cette bien triste réalité disparaisse, soit on leur offre un autre endroit chaud où aller. À tous. Mais je ne peux pas concevoir qu’on mette dans la rue des gens qui ont besoin de chaleur, de soins pour guérir, de soutien professionnel pour remonter la pente. Dans quelle société sommes-nous ?
Cette mesure décidée par la Ville de Montréal, appelée « obligation de circuler », est à mon sens assez lâche. C’est un peu comme si on ne voulait pas dire clairement aux personnes sans-abri de quitter les lieux, afin de ne pas avoir l’air insensible et cruel, mais on leur interdit de se reposer sans grelotter.
Tu peux être ici au chaud, mais MARCHE. CIRCULE. Fonds-toi dans la masse. On en a marre de t'enjamber. Comporte-toi normalement, comme un usager du métro, j'en ai rien à faire que tu aies dormi 4 heures dans les derniers jours et que tu n’aies rien bouffé depuis hier.

Quand je vois à quel point on se plie en quatre pour recevoir comme des rois des dirigeants ou représentants d’autres pays, qui ne hurlent peut-être pas en public, qui ne laissent peut-être pas traîner des accessoires permettant d'échapper à la réalité sous leur chaise, mais qui sont pour certains bien plus dangereux et blâmables que de pauvres personnes sans domicile ; quand je vois à quel point on se plie en quatre pour accueillir le Grand prix de Formule 1, dont tout le monde sait à quel point il est polluant et source d'exploitation sexuelle, rassasie des monstres sans âme ; quand je vois à quel point on est capables de se relever les manches pour accueillir des Jeux Olympiques, que ce soit en terme de budget, de construction d'infrastructures, de logistique humaine et urbaine, je me dis qu’on est bien en mesure de trouver des bâtiments, ou alors de les construire, pour mettre au chaud les plus fragilisés et vulnérables de nos semblables. Et pourtant.

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